Vous est-il déjà arrivé, à certains moments précis de votre existence, de vous dire :
- ce n’est pas possible -je suis en train de rêver
- je ne comprends pas
- il doit y avoir un malentendu, une autre explication…?
Souvent avec un décalage apparent entre l’événement et l’intensité se votre ressenti.
Ce sont des moments où simultanément on s’anesthésie et on remet en question la réalité que nous vivons.
C’est comme si deux parties de notre être se retrouvaient éloignées, écartelées jusqu’au point de rupture sans pour autant arriver à la rupture.
C’est comme si le lien , entre ces deux parties de notre être, se figeait dans une tension douloureuse, progressivement désensibilisée.
C’est comme si le brouillard et la confusion prenaient possession de cet espace déserté entre soi et soi.
Contaminant un à un les divers domaines de notre vie.
Réduisant progressivement notre horizon, limitant de plus en plus notre conscience de nous même et l’accès à nos ressources.
La joie, la vitalité, la créativité, l’instinct, la capacité même de prendre soin de notre vie et de ceux qui nous sont chers nous quittent progressivement , laissant la place à l’indifférence et à la grisaille. Nous laissant de plus en plus démunis et impuissants. Notre vie se réduit à peau de chagrin…
Il y a bien des zones de notre vie qui résistent, irréductibles.
Ce sont en général des zones de survie, des oasis que l’on réussit à préserver au prix fort.
On vit en serrant les dents, en contractant son corps et en se durcissant.
On finit par oublier, ou presque. On gomme, on minimise, on transforme, on inverse les rôles, on se concentre sur les pourquoi, on fuit en avant, tête baissée. Ou alors on se retire dans une caverne.
Bref, on manipule notre propre vérité. Et surtout, on se sent coupable de ce qui ne nous appartient pas en délaissant du même coup notre propre part de responsabilité et par là même notre capacité à nous désembourber.
C’est comme si dans notre esprit, les rôles s’inversaient.
C’est comme si on se racontait l’histoire à l’envers.
Et en se donnant l’illusion de gérer, maitriser, contrôler la situation en fait on perd le nord et la capacité à orienter notre propre trajectoire.
Ce moment fondamental de notre vie, qui marque le passage entre un avant et un après, tombe progressivement dans l’oubli et la vie en apparence, continue.
En apparence …ou plutôt plus en surface.
Notre vie doucement mais sûrement commence à refléter notre paysage intérieur.
On rejoue un nombre incalculable de fois et avec d’innombrables variations la même scène.
Comme un disque rayé.
L’harmonie et la beauté de notre vie vont en diminuant.
Mais alors, que faire ?
Ce sont bien nos émotions, celles-là mêmes que nous avons fuit, qui sont nos plus précieux alliés.
C’est comme si nous avions besoin de rentrer chez nous et que nous avions semé pendant notre errance des petits cailloux ou des petits morceaux de pain. Les cailloux pourraient représenter les pierres d’achoppement dans notre vie et les morceaux de pain, notre nourriture essentielle.
Mais comme l’oubli et l’anesthésie sont passés par là, on se dit :
- je ne devrais pas avoir cette difficulté :
- je ne devrais pas sentir ce que je ressens
- je ne devrais pas avoir tel besoin, telle envie, telle limite…
Et on se détourne un peu plus de nous même, on se trahit un peu plus tous les jours.
En essayant d’appliquer à l’aveugle des dogmes sous couvert de « bon sens ».
En s’étonnant que plus on le fait et moins ça marche.
Ou alors, impulsivement, on cède à tout ce qui émerge, sans discernement. Fuyant le vide, remplissant l’espace, surchargeant le temps, vivant en apnée.
Pendant longtemps on réfrène justement les processus de réparation de notre trame intérieure. Voulant diminuer la douleur ou essayant de la faire disparaître.
Certaines réparations s’opèrent spontanément : Au détour d’un rêve, d’une rencontre, d’un dialogue, d’une lecture, la vie nous surprend. Un éclair de lucidité nous saisit et un rideau tombe.
Un lien perdu s’est retissé, presque à notre insu.
D’autres déchirures tardent à se réparer et nous mettent dans un inconfort croissant, parfois même en crise. Nous sommes alors poussés à nous donner les moyens, ou à saisir les occasions d’y remédier.
l s’agit, à la faveur d’un espace-temps adéquat et sécurisant et d’une présence attentive, d’aller à la rencontre de cette partie de nous, coupable désigné, qui porte les stigmates et la mémoire de notre expérience, de notre existence.
Approcher nos déchirures, comme on approcherait un animal effarouché, nous permet de renouer le fil avec notre vie, de retrouver notre nature véritable.
Cela demande du courage, de la persévérance et beaucoup d’humilité.
Cela amène beaucoup de changements dans notre vie et dans celle de notre entourage.
Et à chaque fois que quelque chose résonne en nous, que nous sentons un regain de sens, que nous avons un petit goût d’harmonie, que la grisaille est un peu moins compacte, nous avons fait un pas supplémentaire vers nous-même.